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Читаем онлайн «Le Monde De Sophie» 3 cтраница

que ren forcer du même coup l'autre face. La vie et la mort se ren voyaient dos à dos.

Impossible de se sentir en vie si l'on ne pense pas aussi qu'on mourra un jour, songea-t-elle. Et on ne peut pas non plus penser à sa mort sans au même instant ressentir l'étrange miracle d'être en vie.

Sophie se rappela soudain que sa grand-mère avait dit quelque chose du même genre le jour où elle avait appris par le médecin qu'elle était gravement malade. « Ce n'est que maintenant que je me rends compte à quel point la vie est belle », avait-elle dit.

N'était-ce pas triste de constater que la plupart des gens devaient tomber malades pour savoir apprécier la vie ? Ou fal- lait-il recevoir une mystérieuse lettre dans sa boîte aux lettres ?

Et si elle retournait voir s'il n'y avait pas autre chose? Sophie se précipita vers le portail et souleva le couvercle vert. Elle sursauta en découvrant une enveloppe similaire à l'inté rieur. Elle était pourtant sûre d'avoir bien regardé tout à l'heure, quand elle avait pris la première lettre...

Sur cette enveloppe aussi était marqué son nom. Elle l'ouvrit et en sortit un petit papier en tout point identique au précédent sur lequel on avait inscrit :

D'où vient le monde ?

Je n'en ai pas la moindre idée, pensa Sophie. Personne ne peut savoir ce genre de choses ! Cependant, la question méri tait d'être posée. Pour la première fois de sa vie, elle jugea qu'on ne pouvait quand même pas vivre sans s'interroger au moins sur ses origines.

Les deux lettres mystérieuses lui avaient tellement donné le vertige qu'elle décida d'aller s'asseoir au calme dans sa cabane.

Sa cabane, c'était le refuge top secret de Sophie. Elle n'allait là que lorsqu'elle était très en colère, très triste ou très contente. Mais aujourd'hui elle ne savait tout simplement plus où elle en était.

La maison de bois peinte en rouge se trouvait au milieu d'un grand jardin avec beaucoup de massifs de fleurs, d'arbustes et d'arbres fruitiers, une grande pelouse avec une balancelle et même un petit pavillon que Grand-père avait fait construire pour Grand-mère quand elle perdit son pre mier enfant quelques semaines après la naissance. On avait appelé la pauvre petite fille Marie et sur sa tombe, on avait inscrit : « La petite Marie nous salua, fit trois petits tours et s'en alla. »

Tout au fond, dans un coin du jardin, derrière tous les fram boisiers, s'étendait un taillis épais qui interdisait aussi bien aux fleurs qu'aux arbustes fruitiers de pousser. Il faut dire que cela avait été une ancienne haie qui séparait à l'origine lejar din de la forêt proprement dite, mais comme personne ne s'en était occupé ces vingt dernières années, c'était devenu de véritables broussailles impénétrables. Grand-mère lui avait expliqué que, pendant la guerre, la haie avait compliqué la tâche des renards qui convoitaient les poules laissées en liberté dans lejardin.

Pour tous les autres à part Sophie, cette ancienne haie était aussi inutile que les vieux clapiers qu'on avait laissés plus haut. Mais c'était parce qu'ils ne connaissaient pas le secret de Sophie.

Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Sophie avait toujours su qu'il y avait un petit passage dans la haie. En rampant des sous, elle débouchait alors, entre les buissons, sur un espace assez dégagé. Ça faisait comme une vraie cabane. Elle pou vait être sûre que personne n'irait la dénicher à cet endroit.

Tenant toujours ses deux lettres à la main, elle traversa le jardin en courant, se mit à quatre pattes et se faufila sous la haie. Sa cabane était si grande qu'elle pouvait presque y tenir debout, mais elle préféra aujourd'hui s'asseoir sur de grosses racines. De sa place, elle pouvait tout surveiller par de minus cules ouvertures entre les branchages et les feuilles. Même si aucun trou ne dépassait la taille d'une pièce de cinq cou ronnes, elle pouvait néanmoins surveiller tout le jardin. Quand elle était plus petite, ça l'avait amusée d'observer son père ou sa mère la cherchant derrière tous les arbres.

Sophie avait toujours pensé que lejardin était un monde en lui-même. Chaque fois qu'elle entendait parler du jardin d'Eden et de la Création, elle s'imaginait assise dans sa cabane en train d'admirer son petit paradis bien à elle.

D'où vient le monde ?

En voilà une question ! Sophie savait bien que la Terre n'était qu'une petite planète au sein de l'immense univers. Mais d'où venait cet univers?

On pouvait évidemment supposer que l'univers avait tou jours existé et ça permettait de laisser tomber la question de son origine. Mais est-ce que quelque chose pouvait avoir tou jours existé? Elle sentit qu'elle n'était pas vraiment d'accord avec cette idée. Il fallait bien que tout ait un commencement, non? Donc l'univers avait dû être créé à partir de quelque chose d'autre.

Mais si l'univers avait son origine dans autre chose, cet autre chose aussi avait dû être créé un jour. On ne faisait que déplacer le problème, Sophie s'en rendait bien compte. A un moment donné, il a bien fallu que quelque chose surgisse du néant. Mais était-ce concevable? N'était-ce pas tout aussi impossible à imaginer que l'idée d'un monde qui aurait tou jours existé ?

A l'école, on lui avait appris que Dieu avait créé le monde, aussi essaya-t-elle de trouver quelque consolation dans cette explication. Mais cela ne la satisfaisait pas entiè rement. Bon, d'accord, Dieu avait créé le monde, mais Dieu alors? S'était-il créé à partir de rien du tout? Ça n'allait pas non plus. A supposer que Dieu puisse créer ce qu'il voulait, il fallait bien qu'il fût quelque chose avant pour pouvoir se créer lui-même, Il ne restait plus qu'une solution : Dieu avait toujours existé. Mais c'était justement cette affirmation qu'elle avait rejetée ! Tout ce qui existait devait bien avoir un commencement.

— Zut et zut alors !

Elle ouvrit encore une fois les deux enveloppes.

Qui es-tu ?

D'où vient le monde ?

Ce n'était vraiment pas du jeu de poser des questions

pareilles! Et d'où venaient ces lettres? Ça aussi, c'était un mystère.

Qui avait tiré Sophie de sa petite vie tranquille pour la mettre en face des grandes énigmes de l'univers?

Pour la troisième fois, Sophie alla regarder la boîte aux lettres.

Le facteur venait de repasser. Sophie plongea la main et sortit toute une pile de journaux et de publicités ainsi que quelques lettres pour sa mère. Il y avait aussi une carte postale avec la photo d'une plage du Sud. Elle retourna la carte. Les timbres étaient norvégiens et le cachet indiquait « Contingent norvégien des Nations unies ». Etait-ce de son père ? Il se trouverait donc au Liban alors qu'elle le croyait à un tout autre endroit du globe... Mais ce n'était pas son écriture.

Son cœur se mit à battre plus fort en lisant le nom du desti nataire :

Hilde MOller Knag c/o Sophie Amundsen, 3, allée des Trèfles...

Le reste de l'adresse était juste. Voilà ce que disait la carte :

Chère Hilde,

Je te souhaite plein de bonnes choses pour tes quinze ans. Comme tu sais, je tiens à te faire un cadeau qui te permette de grandir. Pardonne-moi si j'envoie la carte à Sophie. C'était plus commode comme ça.

Je t'embrasse

ton Papa.

Sophie rentra à la maison en courant et alla à la cuisine. Elle bouillait d'indignation.

Qui était donc cette « Hilde » qui se permettait d'avoir quinze ans un mois à peine avant son anniversaire ?

Sophie alla chercher l'annuaire dans l'entrée. Il y en avait beaucoup qui s'appelaient MOller ou Knag. Mais personne ne portait le nom de MOller Knag.

Elle ressortit la carte postale. Non, c'était une vraie carte, avec de vrais timbres et un vrai cachet de poste.

Dans quel but un papa envoyait-il une carte d'anniversaire à l'adresse de Sophie alors qu'elle était visiblement destinée à quelqu'un d'autre? Quel papa aurait la mauvaise idée de priver sa fille d'une carte d'anniversaire en l'envoyant à une autre adresse ? Pourquoi était-ce « plus commode comme ça » ? Et surtout, comment retrouver cette Hilde ?